On va dire des gros mots !

La période de familiarisation ça sert à quoi ?

La période de familiarisation ça sert à quoi ?

 

Si votre enfant a déjà été accueilli en crèche vous en avez surement entendu parler ou l’avez même vécue. Et peut-être même êtes-vous en train de la découvrir en cette période de rentrée scolaire. La fameuse période du tout début. Les premiers jours au sein de la structure ou votre enfant va évoluer durant ses premières années de vie. Elle peut changer de nom (adaptation ou familiarisation) ou de durée (une a deux semaines généralement) selon la structure d’accueil et son projet, ses valeurs. Si tou(te)s les professionnel(le)s de la petite enfance la qualifient d’indispensable, certains parents peuvent se poser des questions. Alors elle sert à quoi cette période ?
Je vais essayer de vous convaincre de son utilité pour chacun.

Se rencontrer

Ce moment c’est celui de la première rencontre. Avec les lieux d’abord, l’accueil, le bureau de la (du) directrice(eur), traverser un couloir peut-être, ou monter un escalier, passer des portes. Arriver devant l’entrée de la section, avec des choses pensées par les équipes pour personnaliser un peu certains objets. Le porte manteau par exemple, le casier, avec le nom de votre tout-petit, peut-être même une photo. Vous et lui pouvez déjà vous approprier les lieux. Il déjà une place à lui dans l’espace.

Déposer son petit sac, les premières affaires consignées dans la liste demandée par l’équipe dans le livret d’accueil. Et puis entrer. Dans le vif du sujet. Il y a du monde et de mouvement et des jeux éparpillés un peu partout. C’est intéressant mais un peu bruyant. « Booonjoooour ! ». C’est le moment des présentations. L’équipe : les professionnel(le)s d’abord, mais rapidement les autres enfants, futurs compères, aussi.

Qui dit rencontre dit apprendre à se connaître, s’apprivoiser. Un peu comme le Petit Prince et le Renard, je vois ce moment comme un moment qui permet de rendre l’autre « unique au monde ». Ce moment où l’on rencontre un autre que soi. Qu’on le reconnait juste comme lui-même et égal à soi-même, même si, différent. La récente évolution du terme « adaptation » à « familiarisation » est d’ailleurs en partie liée à cette idée de respect de l’individu. On sait que les mots, les termes choisis ont un impact, transmettent quelque chose. On ne cherche plus à ce que l’enfant et sa famille s’adaptent mais bien qu’ils évoluent dans un lieu de vie. La notion de familiarisation rejoint l’idée plus épanouissante de s’habituer. Au contraire de l’adaptation. Il ne s’agit plus à personne de s’adapter mais bien de s’accorder les uns avec les autres.

Ce temps permet vraiment un échange mutuel entre l’enfant, son parent et l’équipe pédagogique (sans oublier le groupe d’enfants, mais comment pourrions-nous ?). Les premiers instants ont toujours un rôle capital : l’être humain se fie beaucoup à son premier instinct. Puisqu’il s’agit, dans l’intérêt de chacun des enfants, de construire une relation de confiance avec les parents, il est primordial pour les équipes de mettre l’accent sur cette période.

espace de jeux

Avoir confiance

Pour l’enfant (je le mettrais toujours en premier, toujours) il s’agit de découvrir les lieux dans lesquels il va évoluer une bonne partie de ses journées. Suivant sa personnalité, son état d’esprit du jour mais aussi son âge d’arrivée à la crèche entre autres, c’est mille stimulations différentes qu’il peut ressentir. Mais ça lui demande toujours beaucoup d’énergie. Rencontrer les personnes qui vont s’occuper de lui, ses camarades de jeu aussi. Beaucoup de bruits différents, parfois pas du tout familiers, des voix encore inconnues… Beaucoup (Beaucoup !) de choses à voir, partout. La présence de son parent à ce moment-là le sécurise. Il lui permet vraiment d’appréhender les lieux en confiance, le plus sereinement possible. D’autant plus s’il a déjà construit un attachement sécure (ça c’est un gros mot qui mérite qu’on s’y intéresse, allez voir !).

Qu’il soit plus dans l’observation ou dans l’action, ces premiers instants vont apporter un lot d’informations énorme au tout-petit. Il expérimente déjà pleins de choses (oui, oui ! même avec le regard). Il collecte des données qui vont lui servir, et pour son développement personnel, et pour son expérience du lieu, des autres. C’est comme ça qu’il va déjà pouvoir se créer des repères qui vont encore gonfler sa base de sécurité et lui donner confiance. Il va être confronté à beaucoup d’émotions parfois complétement contradictoires au moment d’arriver dans les lieux. Mais aussi tout le temps de leur accueil à la crèche, et hors de votre présence. Il a réellement besoin de se créer un espace sécurisant pour lui dans ce lieu.

Repérer un jeu familier ou digne d’intérêt et s’en emparer dès son arrivée et le garder tout le temps de présence à la crèche par exemple (mais ça marche aussi chez l’assistante maternelle !). S’installer dans un coin en particulier de la pièce et jouer uniquement à la dinette ou aux petites voitures pendant 8 jours. Ou encore profiter des bras réconfortants de son parent, ou d’un(e) professionnel(le) lors de ses premières absences, pour observer comment ça se passe par ici. (Et qui sont ces gens franchement ?! Et qu’est-ce que je fais là moi ?! Papaaaa !! Mamaaaaann !!!!).

C’est pour cela que beaucoup de pros peuvent insister sur l’importance d’avoir un doudou par exemple, ou en tout cas quelque chose qui vient de la maison et qui du coup est rassurant. Dans un monde où l’on doit tout partager (adultes, lieux, jeux…) c’est très important d’avoir des espaces ou des objets bien à soi ! (Je vous propose un peu de lecture en plus si le cœur vous en dit, ici sur l’importance des repères et par là sur l’objet transitionnel alias le fameux doudou)

Et il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de faire. (Chacun fait, fait, fait, ce qu’il lui plait, plait, plait !) Ce que je veux dire c’est que chacun a sa manière de découvrir, de prendre confiance et de se rassurer. Même nous adultes au moment de prendre un nouveau boulot, de rencontrer de nouvelles personnes, nous nous rassurons de diverses façons. Chacun ses rituels, ses besoins de réassurance. Peu importe toutes les idées farfelues ou non que les enfants choisissent pour ça. L’important c’est qu’à la fin de cette période un tout petit ait suffisamment confiance pour confier son quotidien et son bien-être à d’autres que ses parents.

Créer des liens

Pour les parents c’est aussi le moment de collecter tout un tas d’informations. Qui vont être ceux qui vont prendre soin de mon enfant, dans quels lieux, de quelle manière, avec quel matériel. Il a la possibilité de se représenter ce que va pouvoir être le quotidien de son enfant dans la structure. Et de le découvrir autrement aussi, dans un nouveau lieu et avec un groupe d’enfant. Même si celui-ci sera forcément différent en son absence. Il pourra au moins s’imaginer le déroulement de sa journée. C’est important je pense de pouvoir, pendant une pause de cerveau devant son écran d’ordinateur ou bien en pleine réunion super importante avec le big boss de la boite, d’imaginer ce que son enfant est en train de faire.

Même plus que l’imagination, le fait d’avoir participer au temps de comptines avant le repas ou de jeu dans le jardin l’après-midi et d’avoir vu son enfant jouer dans la dinette avec Pierre, Paul et Jack (oui, celui-là a des origines anglaises), permet de se le représenter vraiment. (Au risque d’avoir la chanson des crocodiles dans la tête toute la journée… Mais c’est peut-être mieux que petit escargot que vous fredonnez depuis ce matin…)

C’est l’occasion aussi pour les parents de transmettre tout ce qu’ils veulent de leur enfant. Tout ce qu’ils connaissent de lui et qu’ils jugent important de savoir. Donner des informations capitales sur sa façon d’être, sa personnalité. Donner aux professionnel(le)s des indices pour le comprendre et répondre au mieux à ce dont il aura besoin. Transmettre son regard sur son enfant, sur ses valeurs pédagogiques aussi.

Bien sûr que la structure ou chaque enfant est accueilli a construit un projet pédagogique basé sur des valeurs qu’elle a travaillé et réfléchi en tout point. Mais il est clair aujourd’hui, dans le monde de la petite enfance, que l’on reconnait le parent comme premier éducateur de son enfant. Nous ne sommes qu’un relai qui doit agir dans une continuité et cela dans l’intérêt de l’enfant. Encore une fois il sera impossible pour quelconque équipe de faire pour chaque enfant comme « à la maison ». Et en y réfléchissant ça n’aurait pas tellement de sens puisque ce n’est pas la maison et les adultes présents ne sont pas les parents, ni la famille. Il reste quelque chose de professionnel dans la relation, aussi riche soit-elle. Mais il est important de s’accorder sur les manières d’accompagner chacun des enfants dans leur intérêt unique. Un vrai échange entre savoirs parentaux et savoirs professionnels.

C’est un moment aussi pour parler de ses ressentis, comment on vit l’entrée en crèche pour son enfant, positivement ou au contraire avec quelques inquiétudes ? Comment on ressent les émotions de son propre enfant ? Comment on appréhende la séparation ?
C’est vraiment un moment ou le parent va prendre lui aussi ses marques, ses repères dans la crèche et prendre confiance en l’équipe. Et comme on sait que la transmission et l’absorption des émotions dans l’équipe enfant-parents est très forte, il est primordial pour l’équipe pédagogique prendre soin de cette première rencontre.

creer du lien

Ça prend du temps

Justement venons-en à l’équipe. C’est pour elle aussi le moment de la collecte de toutes les infos que les parents ou les enfants peuvent nous donner. Une récolte qui s’avère très importante ! Ça demande du temps et de l’énergie mais (je me répète encore) à mon sens c’est primordial. Ça demande aussi de vraies compétences d’écoute et d’observation. Mettre les parents et leurs enfants dans un climat de confiance. Construire une vraie relation.

Alors les équipes réfléchissent, pensent et repensent parfois dans tous les sens. Elles essayent de garantir le bon déroulement de cette première rencontre. C’est tout un travail d’équipe, mais généralement dès le départ c’est un(e) professionnel(le) qui va accompagner particulièrement une famille durant cette période. Toujours dans cette idée de fournir un maximum de repères à l’enfant mais aussi dans le but de créer du lien avec les parents. Il est toujours plus aisé d’avoir un interlocuteur en privilégié, qui devient fiable et de confiance pour toute la famille au fur et à mesure que les jours passent. Alors il s’agit pour le coup d’adapter son positionnement, les choses proposées, l’espace dans lequel on accueille etc…  C’est un travail terriblement intéressant et qui mérite vraiment qu’on s’y attarde.

Si on prend vraiment le temps pour ces premiers accueils, ils offrent à chacun des vraies bases solides sur lesquelles s’appuyer durant les prochains mois d’accueil. Pour construire une maison il faut avant tout des fondations et c’est le rôle de la période de familiarisation. Et chacune des équipes petite enfance réfléchissent à des projets d’accueil adaptés au plus près des besoins des enfants, des familles. Elles les font évoluer, analysent leurs pratiques et leurs effets sur les familles qu’ils accueillent. Et tendent toujours vers plus d’épanouissement.

arc en ciel épanouissement

Mais c’est indispensable !

Alors c’est vrai que ça demande du temps, beaucoup d’organisation à l’équipe. Mais aussi aux parents. Ce n’est pas toujours pratique, les horaires de tout le monde ne coïncident pas forcément… Mais si on replace l’intérêt des enfants au centre de nos préoccupations, c’est peu de chose finalement. C’est comme construire une tour de cubes, ça tombe parfois, on doit recommencer, souvent plusieurs fois, changer de stratégie… Pour enfin y arriver ! Bon, en revanche, à la fin on essaye de pas détruire la tour d’un coup (ouiiii, vous voyez tout à fait de quoi je veux parler !)

Et de votre côté alors la période de familiarisation pour votre enfant, vous avez trouvé ça comment ? Comment ça s’est concrètement passé et a été vécu par votre tout petit ? Et par vous-même ?
Et côté pro, ça m’intéresse d’avoir vos avis et vos sentiments sur la question !
N’hésitez pas à réagir en commentaires

D’ici la prochaine je vous souhaite pleins de beaux moments,
Et à bientôt !

Carmen

enfant construisant une tour

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