Billet d'humeur, On va dire des gros mots !

Pareil/pas pareil : instruire et éduquer ?

Différence instruction et éducation ?

Lors d’un débat animé sur une chaîne d’infos en continu très connue, que j’écoutais d’une seule oreille en préparant mes lasagnes l’autre jour, mon autre oreille s’est soudain intéressée aussi. Deux hommes (dont, je vous avoue, je n’ai retenu ni les noms, ni les fonctions) débattaient sur l’importance de la reprise de l’école pour les enfants. Les mesures barrières à continuer de faire respecter au sein des établissements scolaires. Jusque là tout va encore bien. Et je suis plutôt d’accord avec l’idée générale : les enfants ont besoin de retourner à l’école !

Mais, ça s’est gâté (vous vous en doutiez) au moment ou je m’étonne d’entendre (à plusieurs reprises !) que la raison première de l’importance de ce retour est que « les enfants n’ont reçu aucune éducation depuis le confinement » (WHAAAAT ?!). Et que la reprise risque d’être difficile en ce sens.
Alors, je pense que cette période de rentrée est propice à ouvrir le débat.

Pardon, je lance peut-être un pavé dans la mare en rappelant que l’instruction et l’éducation sont deux choses parfaitement différentes. Elles sont complémentaires certes et peut-être même possible à dissocier l’une de l’autre. Mais la mission première de l’école reste d’instruire et non pas d’éduquer les enfants. Même si encore une fois elle y participe et inversement. Pour reprendre les définitions exactes pour commencer, l’instruction, « c’est mettre en possession des connaissances, dispenser un enseignement à quelqu’un ».

L’éducation « c’est donner tous les soins nécessaires à l’épanouissement de la personnalité de quelqu’un, un enfant particulièrement ». C’est un ensemble de connaissances générales, intellectuelles, culturelles et morales qui permettent de vivre en société. Il est absolument impossible pour un professeur de transmettre tout ceci à chaque élève d’une classe. En tout cas pas autant qu’il le ferait pour apprendre à compter ou à conjuguer au subjonctif passé. Et ce n’est pas son rôle ! D’autant plus que certaines transmissions comme le spirituel, la religion et bien d’autres valeurs, appartiennent uniquement au domaine familial.

Vous vous dites sûrement que c’est un peu tiré par les cheveux tout ça et qu’ooohh ce n’est pas si grave de les confondre. Et que finalement « on comprend ce qu’ils ont voulu dire ». Mais justement non, c’est important ! On peut reprendre un enfant 10 fois sur sa diction de « trottinette » mais on ne fait pas attention à l’adulte qui n’utilise même pas le bon mot. Ça me dérange d’autant plus parce que cela participe à une idée générale partagée par de nombreux adultes où instruction et éducation sont la même chose. Des synonymes (mais comment leur en vouloir quand on trouve la même chose dans le dico !). Pour moi, trop de responsabilités sont ainsi données à l’école avec un grand E.

Et, de leur côté, les parents sont totalement dépossédés de leurs rôles et de leurs propres responsabilités. Et si cela s’illustre de cette manière aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre toutes sortes de discours rejoignant l’idée générale que l’éducation se fait principalement par l’instruction scolaire.

 

Vivre l’école autrement

Il est vrai que le confinement a fait émerger de nombreuses difficultés pour les familles. Une des principales aura été de passer, en quelques instants, de parent à maître ou maîtresse d’école. Professeur/e suivant les niveaux scolaires de leurs progénitures, ou parfois même les deux à la fois. Et jackpot ultime : des enfants de différentes tranches d’âges. Il est, du coup, aussi vrai que les enfants n’ont pas eu la même égalité de chance qu’ils peuvent avoir au sein de l’école.

Le matériel et l’espace personnel disponible dans la maison, la langue parlée au domicile, le télétravail ou non des parents, le travail ou non des parents d’ailleurs, l’état d’esprit de l’environnement familial, les personnalités de chacun, la façon de vivre cette période… Il est alors tout à fait vrai que beaucoup d’enfants vont certainement avoir des lacunes ou en tout cas certaines difficultés dans la lecture, les mathématiques ou que sais je encore les sciences. Ils ne seront peut-être pas tous allés au bout du programme de leur niveau scolaire avant d’en intégrer un nouveau, ni de la même manière. Ils vont devoir reprendre le chemin de l’école, fatiguant en tant de points : rythme de la journée, inconvénients de la vie en collectivité, efforts de concentration, gestion de ses émotions… Sans parler de tout ce que peut engendrer comme stress cette période d’épidémie.

Malgré la quantité de travail fourni par les instituteurs en tout genre pour permettre à chacun de suivre le programme de sa classe. En réinventant totalement leur façon de travailler à la base, il est évident que chacun des enfants n’aura pas eu le même accompagnement à la maison et c’est normal ! Les parents devenus professeurs l’ont chacun fait avec leurs propres capacités. Au contraire des personnes participant à l’instruction des enfants qui sont formés pour ça je vous le rappelle. Ils étudient des pédagogies, des méthodes, des outils qui leur permettent d’exercer leur métier au mieux… La comparaison est tout à fait impossible et même déloyale, inutile de culpabiliser les uns et les autres.

Il m’est par contre absolument impossible d’entendre que les enfants n’ont reçu aucune éducation depuis le confinement parce qu’ils ne sont pas allés à l’école. Leurs parents, leurs familles, leur entourage participent à leur éducation à chaque moment partagé. Les enfants sont eux-mêmes acteurs de leur éducation à chaque instant car ils apprennent par mimétisme, observation et pratique. L’éducation ne peut pas uniquement se résumer à l’acquisition de connaissances qui permettront aux enfants devenus adultes de trouver un métier épanouissant et de participer à la vie de la société. Je ne minimise pas l’importance de cet aspect, je veux juste appuyer sur le fait que les apprentissages scolaires qu’ils soient factuels, comme compter, la date de l’Armistice ou la façon de composer une phrase compréhensible par les autres, ou même sociaux comme les règles de vivre ensemble ; ne sont qu’une minuscule facette de la transmission générale que les enfants reçoivent depuis leur naissance.

On peut d’ailleurs être éduqué socialement sans pour autant être instruit. En revanche on n’a forcément moins l’envie de s’instruire si on ne bénéficie par d’une éducation sociale de base. Si les bases fondatrices de l’être humain sont acquises et saines alors elles favorisent les apprentissages, d’où l’importance de distinguer instruction et éducation. Et de replacer la balle dans le camp des parents.

 

Définir un essentiel

C’est en faisant des recherches pour rédiger cet article que j’ai découvert plusieurs raisons pour lesquelles cette idée est plutôt ancrée dans les esprits. D’abord j’en parlais plus haut, dans la plupart des dictionnaires instruction et éducation sont des synonymes. Ensuite, et j’ai été très étonnée, que le ministère qui régit l’école en France avait changé son nom en 1932, passant de Ministère de l’Instruction Publique à Ministère de l’Education Nationale.

Sans m’étaler trop dessus, la politique met un pied dans l’école et prend en quelque sorte la (TROP GRANDE) responsabilité d’éduquer les enfants à devenir de bons citoyens, participant plus tard à la vie démocratique de leur pays. C’est fonder des espoirs utopiques selon moi à l’instruction et décrédibiliser les notions de développement personnel. (Et cela participe, selon moi, surtout à la déshumanisation de l’univers scolaire, mais ce sera l’occasion d’un autre article)

Les nouvelles recherches en neurosciences aujourd’hui nous prouvent à quel point les relations de qualité aux adultes ont un impact sur le bien-être des enfants d’abord, mais aussi leur développement général et celui de leur propre personnalité. Il est nettement plus primordial, au sein de notre société actuelle avec tout ces bénéfices et inconvénients, de garantir aux futures générations non pas « un socle de connaissances communes » mais bien un « socle solide de confiance et d’estime de soi » !

Cette période a été exceptionnelle, du jamais vu, jamais vécu. Il a fallu pour tous improviser et il va falloir continuer de le faire, de la meilleure manière possible pour chacun. Alors peut-être pouvons-nous essayer de redescendre cette pression scolaire de la réussite à tout prix et se concentrer sur tout ce qu’aura eu de positif cette période pour chaque enfant à son niveau. Pendant le confinement j’avais vu sur Facebook passer le joli message d’un professeur, peut-être l’avez-vous vu vous aussi. Il tentait de rassurer les parents sur les apprentissages scolaires et mettait l’accent sur l’importance de ce qu’eux allaient leur apporter au quotidien en termes de transmissions familiales et d’amour aussi tout simplement.

Alors je me demande s’il n’est pas temps qu’on prenne vraiment les leçons que tout cela nous a donné et qu’on se reconnecte pour de vrai aux valeurs essentielles de nos existences finalement ! Se reconcentrer sur l’épanouissement. Pour nos petits, futurs grands…

Et de votre côté ? Vous voyez des différences entre instruction et éducation ?
Et qu’est ce que cette période de confinement a pu vous faire réaliser dans votre rôle de parent ? Et sur l’épanouissement de votre enfant ?
N’hésitez pas à réagir en commentaire !

A très vite !

Carmen

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1 commentaire

  1. […] m’a déjà fait réagir tout à fait autrement dans un autre article que vous pouvez trouver juste là !)Bref, je me questionne énormément, je réfléchis beaucoup (Toutes les chouettes […]

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