La théorie de l’attachement
Dans le monde de la petite enfance, la théorie de l’attachement est connue et même reconnue ! L’enfant, pour se développer harmonieusement et s’épanouir, a besoin de créer des liens sécurisants avec un adulte en particulier, puis les adultes qui gravitent autour de lui. Défini comme ça, ça parait évident et il ne nous viendrait pas vraiment à l’idée de le remettre en question. Mais lorsque cette théorie a été développée dans les années 60, elle a été énormément réfutée et il a fallu de nombreuses expériences et années pour réussir à convaincre l’opinion publique. D’autant qu’elle s’avérait contraire au postulat du grand maitre de la psychanalyse de l’époque, j’ai nommé ce cher Freud !
Alors l’attachement ça veut dire quoi ?
Comme toujours, le point de départ pour moi c’est revenir sur les mots : définir l’attachement. Le Larousse donne par exemple comme définition « sentiment d’affection, de sympathie ou de vif intérêt qui lie fortement à quelqu’un, à un animal, à quelque chose ». Ok c’est pas mal, et c’est vrai. Mais ça reste quand même un peu vague, un peu général pour notre propos. Il faut aller plus loin. Surtout lorsqu’on observe un tout petit évoluer, dès ses premiers jours de vie.
On va partir sur une définition un peu plus psychologique, et là c’est John Bowlby qui va nous aider. Ce psychiatre et psychanalyste anglais, part de l’idée que pour se développer sur le plan affectif et social, l’enfant a besoin de créer une relation privilégiée avec au moins un adulte, alors nommé figure d’attachement. (Et paf ! Ça fait des chocapics ! Enfin… Une théorie !)
Et pour qu’on se mette vraiment, vraiment d’accord sur la compréhension qu’on a de l’attachement très concrètement vous et moi, je vous propose une mini expérience. 3 secondes chrono promis ! Posez-vous la question : « Quand ça ne va pas, de qui ai-je besoin ? A qui ai-je envie de me confier ? Qui est-ce que j’appelle lorsqu’il m’arrive quelque chose d’important ? A qui ai-je envie de partager mes bonnes nouvelles ? »
(Parce que si c’est particulièrement évident pour les émotions négatives, ça marche aussi pour les positives, il ne faut pas les zapper !)
Les personnes à qui vous pensez, quasiment immédiatement, sont les personnes à qui vous êtes attachés. Avec qui vous avez créé un lien affectif fort. C’est de la création de ce lien, de tout le processus et ce que ça implique dont nous allons parler ici !
La naissance de la théorie
Cette idée n’est évidemment pas tombée du ciel d’un coup d’un seul sur la tête de ce fameux Bowlby qui l’a ensuite présenté au monde. C’est tout un cheminement de pensée à l’époque qui l’amène à théoriser cette idée de lien affectif pour un développement optimal. (Attention on va parler de pas mal de monde…)
D’abord René Spitz (1947). Il fait des études sur certains enfants hospitalisés ayant de réels troubles de développement (allant de l’angoisse à un arrêt complet du développement). Le tout lié à la rupture du lien mère-enfant. C’est une première étape vers la réalisation de son importance. Il appelle ce syndrome « l’hospitalisme ». (Un article dédié est disponible juste ici !)
Harry Harlow (1958) ensuite, réalise des études sur des petits singes séparés de leur mère. Il va démontrer que ces mammifères ont besoin de contact, de réconfort. Mais surtout que ces besoins affectifs sont hiérarchiquement plus importants que le besoin de se nourrir.
Konrad Lorenz (1970) aussi, met en lumière le « phénomène de l’empreinte » chez les oies. Il montre comment ces oiseaux suivent la première chose qu’ils voient après l’éclosion, généralement leur mère (mais cela peut être un humain ou même un objet animé). Et en plus tout ce qu’ils apprendront de cette figure à laquelle ils se seront attachés, sera comme imprégné en eux.
Enfin, Mary Ainsworth (1960), une psychologue américaine crée de son côté un système d’observation appelé la « situation étrange ». Ainsi elle détermine plusieurs formes d’attachement en lien avec des réactions observées. Mais surtout elle prend conscience du lien entre le moment de la séparation et la création de la relation jusqu’à celle-ci. En très bref pour bien comprendre, un enfant aura une réaction à la séparation avec sa mère différente s’il a pu, en amont, créer une relation de confiance avec elle ou non. (Oui vous voyez ou je veux en venir, elle sera évidemment plus sereine ou moins angoissante dans un cas que dans l’autre)
Ni une, ni deux, John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais, ayant eu vent de toutes ces études crée un groupe de travail sur « l’attachement et les effets de séparations précoces ». (Oui bonne ambiance !) Il y lie aussi ses précédentes études psychanalytiques sur les effets de la séparation ou du deuil, réalisées pendant la guerre. (Très, très bonne ambiance je vous dis !)
Du côté français, trois femmes prennent les choses en main pour apporter de la matière à ce groupe de travail. Myriam David, Geneviève Appel et Jenny Aubry réalisent nombre d’observations dans des pouponnières principalement. Elles vont permettre de prendre conscience des difficultés pour ces nourrissons séparés de leur mère dès la naissance, sans famille. Et donc amorcer une vraie volonté d’améliorer les conditions d’accueil du jeune enfant. Dans ces lieux d’abord, puis plus largement en général. (On peut même aller jusqu’au tout premier accueil du jeune enfant : sa naissance.)
D’ailleurs encore aujourd’hui, cette théorie est connue de tous les professionnels de la petite enfance aujourd’hui, de ceux qui œuvrent autour de la maternité, de la parentalité, de la naissance…
Bon ok la définition, l’historique tout ça… Mais concrètement ?! J’y viens, j’y viens, ça y est !
Et comment on s’attache ? (Sans s’empoisonner)
(Oui oui, j’ai osé la référence…)
Bon jusque-là, vous avez compris qu’un « bon » attachement, permet à l’enfant de se développer harmonieusement et le plus sereinement possible. A l’inverse un « mauvais » attachement aura des effets néfastes pour celui-ci. Ça va vraiment au-delà de l’idée de seulement faciliter la séparation du petit (ou plus grand) enfant et de ses parents et éviter à chacun, les pleurs déchirants à la moindre absence. On touche vraiment à un des principaux besoins de l’être humain finalement. C’est pourquoi il faut en prendre particulièrement soin.
Dès sa naissance, le tout-petit va exprimer des besoins, par son seul moyen, les pleurs. (Mais dans quelques dizaines d’années ça passera, rassurez-vous !) Je parle ici aussi bien de besoins physiques, manger ou être changé, que d’affection et d’amour. Bien entendu je suis du parti de ceux qui pensent que les bébés (et les plus grands !) ont besoin d’être portés, bercés, câlinés, embrassés, cajolés ! Et cette théorie va clairement dans ce sens aussi ! Donc, ses parents répondant à ses besoins de la manière la plus adaptée à lui possible, il va alors développer une réelle confiance en eux. Il les considère comme ses figures d’attachement.
A proprement parler dans l’explication de la théorie, on va parler d’une figure d’attachement : c’est « celui qui prend soin » (le « caregiver », à l’anglaise). En soit cela peut être tout à fait être les substituts parentaux quels qu’ils soient qui peuvent devenir les figures d’attachement, ce n’est pas ce qui a de l’importance. L’intérêt est de mettre l’accent sur ce lien entre des besoins physiologiques et affectifs. C’est qualitativement qu’il faut réfléchir et pas quantitativement. Et pas de jaloux ! L’important c’est ce que cette relation apporte comme sécurité à l’enfant. D’ailleurs l’enfant lui-même ne catégorise pas, il s’attache ou il ne s’attache pas. Et s’il ne trouve pas en un adulte ce dont il a besoin, il cherchera quelqu’un d’autre. Malgré tout, il existe plusieurs types d’attachement, je l’ai abordé un peu plus haut en parlant de Mary Ainsworth, mais ce sera l’occasion d’un autre article.
Pour donner un exemple concret : lorsque vous donner le biberon ou le sein à votre bébé de quelques jours, semaines ou mois, vous le nourrissez de deux manières. Physiquement d’abord parce que bien entendu, il boit son lait. Mais aussi psychiquement et émotionnellement, parce que vous le regardez, vous lui parlez, vous lui offrez de l’attention. Vous lui transmettez vos émotions. Vous apprenez de lui et lui de vous, vous vous observez, vous vous analysez. Vous établissez un moment riche de relation et de transmissions ! Autant pour vous, que pour lui.
Pour vous en donner une autre idée : vous allez au parc du quartier avec votre enfant, il part tout de suite à l’assaut du toboggan, du tourniquet ou encore du singe multicolore à ressort. Il grimpe, saute, court, se transforme en loup pour vous attraper, lui à toute vitesse, vous en petites foulées. Il glisse, tourne, descends, remonte, se suspend, passe dessus, dessous, vous fait coucou, vous lui répondez. Il essaye de monter sur ce tronc couché et de le traverser. Ça demande de l’équilibre dis donc. Il lève les yeux vers vous, il a besoin de soutien. Vous comprenez : un sourire et un hochement de tête, vous vous approchez de lui doucement, votre main disponible s’il a besoin. Il sourit à son tour et traverse le tronc sans encombre, saute au bout et se retourne vers vous. (Si quelqu’un vous regardait tous les deux à ce moment-là, je pense qu’il ne saurait pas dire qui est le plus heureux de vous deux). En ressortant plus tard du parc, vous vous apercevez que vous ne vous êtes pas assis une seule fois sur votre banc de prédilection habituel. Ni avez sorti votre téléphone pour le prendre une bonne centaine fois en photo et répondu aux derniers mails reçus avant le week-end. Vous avez seulement été là. Partager un vrai moment de relation. Vous lui avez offert de l’attention, il vous a transmis sa joie de vivre. Vous lui avez transmis votre confiance, votre sécurité, il vous a offert sa fierté !
Cette confiance qu’il a gagnée grâce à la réponse de ses figures d’attachement aux besoins qu’il exprimait et cette relation particulière qu’il a créée avec eux, lui permettent, dès qu’il le peut, l’exploration. Les figures d’attachement deviennent une source de sécurité face à l’appropriation du monde qui l’entoure ! Et c’est là que ça devient intéressant. Parce que pour s’épanouir lui-même, l’enfant a d’abord besoin de se découvrir. Ce qu’il va faire en se confrontant au monde. Ce qu’il peut, du coup, faire s’il a confiance en d’autres que lui, qui eux, lui transmettent leur confiance en lui. En gros : « Tu me permets de grandir grâce à la sécurité que tu m’apportes. Je te rends heureux, fier et tu me transmets ta confiance en moi. Ce qui me donne encore plus de sécurité et d’estime et l’envie d’aller encore plus loin. » C’est tout un cercle vertueux qu’on met en place.
Sans parler de la mémoire qu’il va créer grâce à toutes ces expériences positives. Il les utilisera ensuite pour mentaliser l’image de ses figures d’attachement dans des moments ou, sans elles, il aura besoin de se rassurer. Il pourra se rappeler des moments de bonheur avec ses parents par exemple, à un moment ou, sans eux, il a besoin de la sécurité qu’ils lui apportent. Penser à une promenade avec maman, à un câlin avec papa, à un gouter chez papi et mamie… Pour ressentir les émotions positives de ces instants au moment où, loin d’eux, j’ai un petit coup de mou. C’est lié à la permanence de l’objet. (ça rejoint les Modèles Internes Opérants ou MIO, mais j’y reviendrais dans un autre post, parce que j’ai atteint mon quota des gros mots pour aujourd’hui je crois !)
Finalement l’essentiel, c’est le kif !
Alors c’est sûr que dit comme ça c’est léger ! Surtout que je vous ai bassiné de responsabilités pendant tout l’article. C’est vrai que mon but est de vous faire réaliser l’importance que ça a, dans l’idée de le vivre pleinement. Maintenant il ne faut pas se mettre la rate au court bouillon ! On parle de création de lien, de relation, de sentiments finalement. Ça prend du temps, ça se construit. Ça se vit au jour le jour et ce n’est écrit ni dans les livres, ni sur ce blog. Il n’y a pas de mode d’emploi. Et vous le faites très bien sans aucun de mes conseils. Tout ça, c’est entre vous et l’enfant que vous accompagnez à grandir. C’est sûr que le quotidien est pas toujours facile. Le plus important c’est de kiffer ! C’est ce que j’ai envie de vous transmettre. Vous reconnecter au plaisir !
Prenez le temps. Connectez-vous à vos enfants, émerveillez-vous d’eux. Soyez sereins, transmettez-leur votre confiance, en vous en tant que parent, éducateur. Mais aussi et surtout en eux. Dites-leurs aussi vos craintes et laissez-les vous impressionner, vous convaincre. Essayez et impressionnez-vous aussi. Soyez patients et indulgents, envers vous-même autant qu’eux. Ne faites pas parfaitement, ce n’est pas nécessaire. Essayez de chasser le quotidien, la routine dès que vous le pouvez. Offrez-vous un moment de danse frénétique, de chants à tue-tête, de bataille de chatouilles ou d’acrobaties sur le canapé du salon. Ou un moment de tendresse tout câlin, la lecture de votre livre préféré, feuilletez un album de famille… Trompez-vous devant et avec eux et dédramatiser ça n’a rien de grave.
Bref, riez, grandissez avec eux et épanouissez-vous !
J’ai l’habitude de vous poser une question à la fin d’un article. Mais j’avoues que je n’en ai pas vraiment qui me vienne là, tout de suite. Il n’empêche que je vous invite à donner votre avis en commentaire.
Et puis soutenir ou partager autour de vous, ça peut toujours être utile à quelqu’un. (Et pour moi c’est comme un câlin)
Sinon, d’ici mon prochain roman (mes articles sont de plus en plus longs…) je vous souhaite le meilleur !
A bientôt !
Carmen
Très sympa tes vidéos et ton blog est hyper bien fait. Une mine d infos, de références, expliqués sans prétentions et abordables par tous…ce qui permet à chacun d avancer !
On sens que tu es investie ds ton quotidien, que tu sais où tu vas! Mais surtout pourquoi tu y vas !
Ça doit être un vrai régale de bosser avec toi !
Ça le re donnerait presque envie de bosser en crèche !
Veronique EJE
Merciiii milles fois pour ce commentaire plus qu’encourageant et motivant !
Je suis ravie de pouvoir transmettre un peu de mon quotidien et de ma passion, si en plus j’arrive à le faire de manière sympathique et abordable c’est encore mieux !
Haha pas sur que mon équipe soit d’accord tous les jours mais je prends le compliment 😉 !
Merci de ton soutien encore une fois,
Au plaisir d’échanger à nouveau chère collègue 🙂 !
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